Comment Capturer Le Ciel En Pose Longue
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Le soleil apparaît vers l’ouest quelques minutes avant de plonger sous l’horizon. Pour un Breton, c’est signe que le beau temps est pour bientôt. Les animations satellites confirment cette observation.
Ça tombe bien, car ce soir, la Lune est en dernier quartier et se lèvera donc en seconde partie de nuit. Je profiterai de cette source de lumière, suffisante pour éclairer le paysage, mais insuffisante pour masquer les étoiles.
Orion est la constellation que j’ai dans le collimateur. Cette constellation est très photogénique avec sa ceinture formée de trois étoiles alignées entourée d’un large rectangle.
Pour moi, c’est important, car je ne suis pas un photographe nocturne. Les remparts de Saint-Malo illuminés de nuit n’ont d’intérêt à mes yeux qu’à condition qu’ils soient la scène sur laquelle se déroule un spectacle céleste.
Vers minuit, je prends la direction de la presqu’île de Crozon. Le site est sauvage, et surtout, les éclairages publics, fléau pour les astronomes, y sont assez rares.
C’est à cette condition que le ciel peut révéler les milliards d’étoiles qui l’habitent. La Lune fait autant de dégâts quand elle est pleine, mais au contraire des lampadaires, son éclat et ses heures de présence varient au fil des nuits.
À cette heure, la nuit est très sombre. Mais la Lune se lève bientôt, alors aucun souci pour révéler le paysage qui serait autrement réduit à une masse sombre.
Car pour un astrophotographe, plus que pour n’importe quel photographe, la lumière est une quête. Les étoiles sont des objets discrets. Et bien sûr, les flashs ne sont d’aucune aide.
Le défi consiste à capturer un maximum d’étoiles en un minimum de temps. Qu’est-ce que le temps vient faire ici ? Les étoiles ne vont pas disparaître, elles vivent des milliards d’années !
Le problème vient de la Terre ! Elle tourne sur elle-même sans cesse, entraînant les astres du ciel d’est en ouest. Et plus la focale est longue (donc le champ étroit), plus elles semblent filer vite !
Le problème est donc de poser le plus longtemps possible avant que les étoiles ne commencent à dessiner de petits traits. Je sais par habitude quand m’arrêter.
Mon 50 mm monté sur le canon EOS 5D Mark II permet des poses de 8 secondes. Avec le 35 mm, je pousse jusqu’à 12 s. Dans ce laps de temps, je m’efforce de collecter le plus de lumière possible.
Pour ce faire, j’augmente la sensibilité du boîtier. 1 600 ISO est déjà bien, mais 3200, voire 6 400 ISO, c’est mieux (à condition que l’appareil photo le supporte).
Le 5D MarkII, acheté en 2009 pour ses performances en haute sensibilité, délivre des images exploitables à 3 200 ISO. Le bruit est certes présent, mais uniquement en luminance, ce qui donne un grain visuellement agréable. Auparavant, je travaillais aussi au 30 D
La Luminosité de L' Objectif
L’autre paramètre qui permet de « voir » la nuit, c’est bien entendu la luminosité de l’objectif. Une ouverture allant de 1,4 à 2,8 faits l’affaire.
Mais ces grandes ouvertures révèlent tous les défauts optiques : vignetage, chromatisme et surtout le coma. Et des points brillants (les étoiles) sur fond sombre (le ciel) constituent une impitoyable mire optique. Pourtant, il suffirait de diaphragmer à 5,6 ou plus pour améliorer la qualité otique ?
Oui… mais non, car la luminosité serait insuffisante. Cependant, fermer à f :2 le diaphragme d’un objectif ouvrant à 1,4 est un bon compromis entre luminosité et qualité optique.
Pour ce type de photo, le zoom est proscrit, à cause de sa qualité otique et de ses ouvertures inadaptées. Cela oblige à s’équiper de plusieurs focales fixes, mais un 16 mm, un 35 mm et un 50mm couvrent déjà bien des situations. Ce soir, j’installe d’abord mon trépied près de la Pointe de Dinan.
Je souhaite capturer la magnifique baie qui s’ouvre largement devant moi avec les Tas de Pois (formation de rochers) loin vers l’ouest.
Un fish-eye ferait l’affaire, mais les Tas de Pois seraient tops petits. Je préfère utiliser mon Sigma 50 mm f :1,4 EX en réalisant un panoramique d’une vingtaine de photos.
Ainsi, le champ couvert est très large, tout en bénéficiant d’une résolution énorme qui révèle jusqu’aux plus petits détails. De plus, les défauts optiques bien présents dans les coins disparaissent presque totalement une fois le panorama achevé.
Septième Ciel
Je passe en mode manuel. Je bloque le temps de pose à 8 s et le diaphragme à 2,0. À cette ouverture, la profondeur de champ est très étroite.
La fonction Live View me permet d’assurer une mise au point parfaite sur les étoiles. Tant pis si le paysage le plus proche est légèrement flou, le ciel n’en sera que plus mis en valeur.
Le format Raw est de rigueur afin d’enregistrer le plus d’information disponible sur le capteur. Je règle cependant la balance des blancs sur Tungstène, car c’est un réglage qui donne sur l’écran arrière une bonne idée de la chromie finale.
Vérification des niveaux à bulles du trépied et de la rotule panoramique (Nodal Ninja 5II), fixation d’une télécommande filaire pour éviter le bougé, et je suis prêt à déclencher.
J’enchaîne ainsi les photos du panorama le plus rapidement possible, car d’une photo à l’autre, les étoiles se déplacent légèrement. Mais c’est récupérable lors de l’opération de « stitching » (le collage des photos).
Pour ce panoramique, j’ai fixé un filtre « star 4 » devant l’objectif. Car paradoxalement, l’excellent piqué du sigma 50 mm rend les étoiles si petites, que les astres les plus brillants semblent à peine plus lumineux que les étoiles plus faibles.
Avec ce filtre, les étoiles brillantes retrouvent une taille en adéquation avec leur éclat, permettant une identification aisée des constellations.
Je réalise panoramas sur panoramas pendant que la Lune encore basse magnifie le relief, cherchant à pied le meilleur point de vue pour inscrire mes étoiles préférées dans ces paysages grandioses. Ces moments passés seul sous la voûte étoilée me procurent une grande joie. Je suis connecté à l’Univers.
Ma lampe frontale rouge m’évite l’éblouissement et me laisse libre de mes mouvements. Avec ces quelques heures passées à saisir les étoiles, je ramène de quoi travailler pendant deux jours sur l’ordinateur.
Car je dois développer tous les Raw (dans, lightroom qui ôte au passage chromatisme, vignetage et déformations géométriques), exporter tous les panoramiques avec le logiciel PTGui, que j’exporte en PSD 16 bits.
Je les ouvre dans Photoshop afin de lisser les transitions d’une photo à l’autre à l’aide de masques de fusion, j’applique différents traitements entre le paysage et le ciel.
Ce dernier, avec ses points blancs sur fond noir, supporte de forts contrastes, tandis que le paysage est en général simplement éclairci.
C’est un peu long, mais c’est un bonheur immense de voir le résultat. On est au septième ciel !
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