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Qui dit langage dit grammaire. Quelles sont donc les lois qui régissent ce langage des couleurs, qui permettent de les combiner en donnant du sens ?

Johannes Itten, professeur au Bauhaux, publie en 1961 Art de la couleur, qui analyse sept contrastes de couleurs fondamentaux et s’impose comme le Bscherelle de la couleur. 

Partons à la découverte, pour mieux comprendre comment fonctionnent les accords de couleurs dans une photographie. Vous y verrez que vous utilisez souvent les règles de grammaire éprouvées sans nécessairement le réaliser.

Polychromie

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C’est la combinaison la plus facile, qu’on qualifie spontanément d’image colorée, multicolore. Johannes Itten l’appelle le contraste de la couleur en soi.

On va chercher là l’impact maximal de la couleur, on recherche le punch plutôt que la subtilité. Souvent, c’est ce type d’harmonie qu’on trouve dans les articles sur la photo couleur, mais ce dossier est là pour monter qu’il y a d’autres voies pour jouer la carte de la couleur.

Pour obtenir un effet puissant, il faut au moins trois couleurs franches, en privilégiant le rouge, le jaune et le bleu. Si on s’éloigne des primaires, en choisissant de l’orange, du vert ou du violet, même saturés, le contraste faiblit.

On trouve rarement ces combinaisons dans les paysages naturels, beaucoup plus dans les villes où les sujets manufacturés. Mais attention de ne pas tomber dans le bariolé gratuit et les effets criards !

Les photographies construites sur la polychromie gagneront à être tirées sur du papier brillant. La technique du dye-transfert, très prisée dans les années 70/80, est parfaitement adaptée.

Clair-obscur

Ombres et feuilles

Pas de photographie sans lumière, et pas de lumière sans ombre. Les photographies qui jouent le clair-obscur vont se baser sur cette opposition ombre-lumière. C’est le domaine privilégié du noir et blanc, puisque toute l’information de couleur y est transposée dans des tonalités de gris.

En noir et blanc, comme en couleur, le clair-obscur oppose des zones très sobres à d’autres très claires, sachant que la transition peut être brutale avec explorant toutes les nuances intermédiaires.

Si on déséquilibre les proportions de zones claires et sombres, on tombe dans les effets qu’on appelle high key (image très claire avec petites zones sombres) ou low key (image très sombre avec petites zones claires).

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En couleur, certaines tonalités vont spontanément tomber d’un côté ou de l’autre : le jaune est naturellement clair et lumineux, le violet est du côté obscur.

Et on utilisera peu de couleurs. Le clair-obscur se prête bien aux portraits et aux nus. Et évidemment aux photos de nuit et de spectacles.

Chaud/ froid

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Les couleurs produisent des sensations physiques : on se sentira plus au chaud dans une pièce rouge ou au contraire plus frais dans une pièce bleue.

En choisissant des couleurs de chaque côté de ce pôle de sensations, on s’ouvre des possibilités d’expression. Cette opposition se retrouve dans le couple soleil/ombre (les ombres sont bleutées, le soleil orangé) mais aussi excitant /apaisant, opaque/ transparent, terreux/ aérien, lourd/léger, proche/lointain…

le paroxysme de ce chaud /froid est obtenu avec un rouge-orangé côté chaud et un bleu-vert côté froid. Voilà révélé le secret du charme des rousses aux yeux turquoise !

Les sujets privilégiés sont les paysages au coucher du soleil, avec un ciel passant du bleu au rougeoyant, les lumières de fin de journée (ou l’aurore de ceux qui se lèvent tôt), le travail sur les ombres, les lointains bleuissant derrière des premiers plans plus arrangés.

Complémentaires

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Deux couleurs sont complémentaires quand elles se trouvent à l’opposé du cercle chromatique. Si l’on travaillait avec des pigments, leur mélange produirait un ton gris, mais ça ne fonctionne pas avec les pixels ! Les principaux couples de complémentaires sont rouges / verts, jaune/ violets, oranges/turquoises.

La combinaison de complémentaires donne des images solides. L’œil recherchant naturellement le contraste des complémentaires, il est satisfait et a une sensation d’équilibre. Si vous suivez bien, vous aurez noté que quand on utilise des complémentaires, on les combine avec d’autres types de contraste.

Avec la paire orange/bleu, on est en même temps dans une opposition chaud/froid. Avec jaune /violet, on verse dans le clair/obscur. Rouge et vert ont une luminosité similaire et offrent le contraste de complémentaires le plus fort. Si on utilise des nuances de saturation et luminosité pour ces complémentaires, on obtiendra des images plus subtiles qu’avec des couleurs franchement saturées. Sujets de prédilection : les fleurs et animaux.

Dissonance

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Le phénomène appelé contraste simultané est assez complexe, mais essentiel à connaître quand on s’intéresse aux phénomènes de la couleur. C’est Michel-Eugène Chevereul, directeur de la Manufacture des Gobelins, qui en a été le grand théoricien.

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Les peintres qui livraient leurs modèles pour une tapisserie se plaignaient de ne pas retrouver leurs couleurs d’origine une fois celle-ci réalisée, au grand dam des tapissiers qui garantissaient avoir respecté les couleurs souhaitées.

L’œil n’est pas un instrument objectif et l’on doit tenir compte des impressions colorées qu’il croit voir alors qu’elles n’existent pas objectivement.

Celui-ci exige, en même temps qu’il voit une couleur, sa complémentaire. Par exemple, si l’on met ne pastille gris neutre dans un carré rouge, on va le percevoir comme verdi, le vert étant la complémentaire du rouge. Et inversement, une pastille grise dans un carré vert apparaîtra rougeâtre.

De la même manière, si l’on juxtapose deux couleurs qui sont proches des complémentaires, mais pas tout à fait, chacune va pousser l’autre vers sa complémentaire. L’effet obtenu est une sorte de dissonance, de vibration, les couleurs prennent une nouvelle dynamique.

Par exemple, on va associer un orange non pas à sa complémentaire bleu-vert, mais à un vert ou un indigo. Assez délicat à mettre en œuvre, mais on retrouve souvent de telles vibrations dans les photographies prises avec des lumières artificielles exposées avec une balance des blancs un peu décalée, des sources de lumière différentes ou des traitements croisés.

Quantité

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Ce contraste de quantité est facile ! un petit peu d’une couleur dans beaucoup d’une autre…

Toujours à cause de ce phénomène de recherche d’équilibre de l’œil, la petite tache de couleur, en danger d’être mangée par la grosse, va se défendre à sa manière et gagner en présence et en luminosité. Ces harmonies sont en général assez efficaces.

Il faut cependant veiller à la bonne dose, celle-ci variant selon la luminosité des couleurs utilisées. Sur un fond bleu, par exemple, une tache rouge devra être plus grande qu’une tache jaune, car le jaune est plus clair que le rouge et aura plus d’impact.

Goethe, qui a été un grand théoricien de la couleur en plus d’être auteur, a classé les couleurs par valeur de lumière : si on prend comme base blanc =10, on aura jaune =9, orange = 8, rouge et vert =6, bleu = 4, violet = 3.

 Cette harmonie fonctionne pratiquement pour tous les sujets : paysages, natures mortes, macro, street photography, et même pour les portraits, pour peu qu’il y ait des vêtements visibles.

Au niveau de la composition, la visibilité de la couleur mineure aura encore plus d’impact si elle se place sur n des points forts aux intersections des lignes de tiers.

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Qualité

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La qualité d’une couleur, au sens de Johannes Itten, c’est son degré de pureté. En combinant divers degrés de saturation ou de luminosité d’une même couleur, on crée un camaïeu.

L’ensemble sera en fait un monochrome- une seule couleur- mais avec de nombreuses variantes. Ces variantes jouent avec les dimensions de la couleur, luminosité et saturation.

Les variations de luminosité vont proposer des déclinaisons de couleur du plus clair au plus foncé, du quasi blanc au quasi noir.

Les variations de saturation vont aller de la couleur la plus pure à des tons grisés, en quelque sorte salis. Mais toutes les couleurs n’ont pas le même potentiel : le vert se prête bien à des déclinaisons riches, alors que le jaune se noircit très vite et s’affaiblit rapidement quand il va vers le blanc.

Une variante de ce contraste de qualité est ce qu’on nomme un faux camaïeu : au lieu de faire varier luminosité et saturation, on va les garder constants, mais on va faire varier légèrement la couleur elle-même en combinant des tons proches sur le cercle chromatique.

Par exemple des variantes de bleus de même qualité, mais allant du bleu-vert au violacé.

Les photos de nature font souvent appel à ces harmonies de qualité. Les plans successifs des lointains ont différents degrés de luminosité, la brume en contre-jour éclaircissant les couleurs.

Les variations de verts des feuillages sont sources de dégradés, vrais camaïeux au printemps, faux camaïeu en automne.

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